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History

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Prologue

C'était le noir total. Non pas parce qu'il n'y avait pas de lumière, mais parce qu'il n'y avait pas de matière. C'était aussi le silence absolu. Non pas parce qu'il n'y avait pas de son, mais parce qu'il n'y avait pas d'air pour le propager.

C'était le vide. Le néant. Le Rien. Car si l'univers est composé en grande partie de vide, c'est aussi le cas du multivers.

Il n'y a pas que la Terre. Bien sûr, il y a aussi des milliards d'étoiles à côté. Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi d'autres mondes. D'autres plans. Il y a le Paradis. Il y a l'Enfer. Et il y en a d'autres.

Et, quelque part dans le vide qui séparait les mondes, il y avait une créature. Seule, à la dérive.

C'était la plus maléfique de toutes les créatures imaginables. Un Démon. Elle avait vécu sur Terre, autrefois, semant le Mal. Ce n'était peut-être pas il y a si longtemps. Dans le néant, quelques mois pouvaient paraître une éternité.

Elle avait vécu sur Terre, et elle était morte. Éliminée par un Ange. Le Bien triomphe toujours. Mais le Mal, de son côté, ne meurt jamais véritablement. Elle s'était donc retrouvée là, seule, pour l'éternité.

Dans le néant, quelques mois pouvaient paraître une éternité. Et ils étaient passés.

Pas si loin de là, il y avait un monde, qui portait le doux nom d'Erekh.

Ce n'était pas un monde très évolué. Il n'y avait pas d'atomes, de quarks ou d'électrons. Mais il y avait les Légendes. Des Héros. Et des Prophéties.

L'une d'elle annonçait qu'un Démon arriverait sur Erekh — car tel était le nom de ce monde — et y apporterait le chaos et la destruction.

Les Prophéties se réalisent toujours.

Et, quelque part, dans ce monde, il y avait un homme à cheval. Un Héros. Il ne le savait pas encore, mais il se dirigeait vers son destin.

Mikaël Veyran était chevalier. Il mesurait un mètre quatre-vingt et était relativement costaud. Il avait les cheveux bruns, assez longs, et les yeux marrons. Ses vêtements étaient noirs et relativement usés. Bien qu'il n'ait pas véritablement eu l'air d'une brute, il était habitué aux combats en tous genres. Il s'était rapidement spécialisé dans des phénomènes que l'on aurait pu qualifier de « surnaturels » dans un autre monde — bien sûr, sur Erekh, personne n'aurait eu l'idée de qualifier ces phénomènes ainsi, puisqu'ils se produisaient pour ainsi dire tout le temps —, et spécialement dans l'éradication de certaines créatures dites gênantes. Quelques combats contre certains vampires lui avaient forgé une réputation certaine — qui, bien que fondée sur du vrai, était en fait passablement exagérée — dans le milieu, par ailleurs relativement restreint.

Il travaillait depuis quelques temps pour l'ordre de Meynès, qui comprenait principalement des guerriers chargés de faire respecter la volonté du Seigneur. Il recevait généralement des missions visant à éliminer les créatures qui auraient pu faire du mal aux citoyens d'Erekh. Mikaël n'était pas passionné par la religion, et n'approuvait à vrai dire pas toutes les méthodes de cet ordre, mais il appréciait la paye et l'appartenance à une armée plus ou moins officielle.

Il revenait de mission. Il avait éliminé un vampire qui terrorisait les habitants d'un village. Le combat n'avait pas été très difficile. Le vampire avait voulu lutter honorablement et suivant les traditions. Mikaël, lui, ne respectait que deux règles pour le combat : tuer, et survivre.

Il arriva à la cathédrale de Meynès à la fin de l'après-midi. Il entra dans le bâtiment majestueux sans se soucier de l'agitation autour de lui. Après quelques minutes de recherche, il parvint à trouver l'évêque Crowney, qui était plus ou moins son supérieur, en discussion avec un moine. Crowney était relativement jeune pour son poste, et n'avait pas la meilleure réputation parmi ses pairs, mais Mikaël s'entendait plus ou moins bien avec lui. Il attendit que son supérieur en ait fini avec son interlocuteur avant de lui adresser la parole.

« Bonjour, Monsieur » dit-il en inclinant légèrement la tête dans un salut poli.

« Ah, Mikaël... Comment s'est déroulé votre petite... expédition ?

— Plutôt bien, Monsieur. Ce n'était qu'un vampire.

— Vous avez réussi à régler l'affaire ?

— Oui. »

L'évêque sourit légèrement. C'était rare chez lui, et ce n'était pas souvent bon signe.

« Comment ai-je pu en douter ? Au fait, Mikaël, quelle chance que vous nous reveniez maintenant, j'avais justement une mission délicate à vous confier. »

Mikaël soupira.

« Quelle genre de mission ? demanda-t-il.

— Eh bien, il semblerait qu'une secte se soit développée aux environs d'un village à deux jours de route d'ici. Le bourgmestre nous demande de l'aide.

— Une secte ? Sans vouloir vous offenser, Monsieur, ce n'est pas vraiment mon domaine...

— Je sais que vous n'aimez pas les affaires... humaines, Mikaël, mais c'est un cas un peu spécial. D'après notre homme, cela ressemblerait à un rassemblement d'adorateurs du Malin.

— Et depuis quand dois-je me charger de ce genre de cas ?

— Notre homme pense qu'il y a véritablement des forces maléfiques en jeu. Et vous êtes l'homme de la situation.

— Très bien, monsieur. Je pars en route dès ce soir. Quel est donc ce village ?

— Il s'appelle Alsted, et se trouve à l'est ; tenez, je crois que j'ai une carte sur moi... »

L'évêque chercha dans une poche de sa robe, puis en sortit un papier froissé et le lui tendit.

« Voilà. Mais vous ne comptez pas sérieusement partir ce soir ? La nuit va bientôt tomber.

— Je n'ai pas peur du noir, Monsieur » répliqua Mikaël en regardant la carte. « Et si je me souviens bien, il y a une route assez praticable sur une bonne partie du chemin. Et puis, c'est la pleine lune. Je serai éclairé.

— Dans trois jours, Mikaël, répliqua l'évêque d'un air songeur.

— Pardon ?

— La lune. Elle ne sera vraiment pleine que dans trois jours. Le bourgmestre avait peur qu'il ne se prépare quelque horreur pour cette nuit là.

— Votre bourgmestre m'a l'air bien superstitieux.

— Peut-être. Et peut-être pas. Vous feriez bien d'être prudent. Soyez raisonnable et attendez demain, je demanderai à un autre homme de vous accompagner.

— Non, je pars maintenant. Autant que cette histoire soit vite réglée.

— Je ne vous ferai pas changer d'avis, hein ? Très bien, à votre guise. Mais soyez prudent. »


Le voyage nocturne se déroula sans encombres, et Mikaël parvint à rejoindre Alsted le lendemain, peu après la tombée de la nuit.

Le village était assez petit, et ne devait pas compter plus de deux cents habitants. Les maisons étaient cependant assez proches les unes des autres. Il n'y avait personne dans les rues.

Après une dizaine de minutes, Mikaël parvint à trouver une maison ressemblant à ce qu'il se faisait de l'idée de celle du bourgmestre : elle était en effet bien plus grande que les autres, et était faite de pierre, contrairement aux autres qui étaient en bois.

Il descendit de son cheval et se dirigea vers la porte. Il frappa trois fois, puis attendit un moment. Il fallut un certain temps avant que la porte ne s'entrouvre.

« Qui êtes-vous ? »

À en juger par ses vêtements, cela devait être une servante. Elle portait un crucifix autour du cou, qu'elle serrait nerveusement. Elle ne fut pas plus rassurée en apercevant Mikaël qui, enveloppé dans une cape noire et du haut de son mètre quatre-vingt, pouvait en effet paraître impressionnant, surtout dans la semi-obscurité.

« J'ai été envoyé par l'évêque. Il parait que vous avez des ennuis ? »

Devant le silence de la servante, il ajouta :

« C'est bien la maison du bourgmestre ? »

Après un temps d'hésitation, la femme le fit entrer.

« Par ici, fit-elle. Suivez moi. »

Mikaël entra et suivit la servante en jetant un coup d'oeil à la maison. Assurément, le bourgmestre avait une certaine fortune. Il y avait un nombre relativement élevé de meubles de bonne qualité. Au-dessus de la large cheminée traînait un trophée de chasse. Il y avait aussi une arbalète d'assez bonne facture accrochée au mur. Au fond de la pièce étaient attablées quatre personnes.

Il y avait un homme entre deux âges, qui commençait à avoir des cheveux grisonnants, et portait de riches vêtements, bien que — jugea Mikaël — pas forcément du meilleur goût. C'était sans doute le bourgmestre.

À son coté se trouvait une dame assez belle qui devait être sa femme. Les deux autres personnes étaient plus jeunes et devaient être leurs enfants.

La servante se dirigea vers l'homme.

« Monsieur, il y a là un homme qui désire vous parler. »

Celui que Mikaël soupçonnait être le bourgmestre se leva et se dirigea vers le visiteur. Les autres se contentaient de le dévisager.

« Que désirez-vous ?

— L'évêque m'a envoyé ici à cause de votre histoire... Je suis là pour vous aider. »

Le bourgmestre parut surpris.

« Oh, c'est-à-dire que... Eh bien, vous ne ressemblez pas vraiment à un homme d'église... »

Mikaël ignora la remarque.

« Que s'est-il passé exactement ? » demanda-t-il.

Le bourgmestre jeta un coup d'oeil à sa famille.

« Nous pourrions en parler en privé, si vous voulez bien. Mais je ne me suis pas présenté. Je suis Thomas d'Icques, et voici ma femme, Isabelle, et mes enfants, Paul et Jeanne. Et vous êtes ?

— Mikaël Veyran.

— Vous désirez quelque chose à manger ? Nous avons des cuisses de poulet... Je vous raconterai cette sombre histoire ensuite. »

Mikaël jeta un coup d'oeil à la nourriture. Cela faisait vingt-quatre heures qu'il n'avait rien avalé.

« Volontiers. Je suppose que nous avons tout de même un peu de temps. »

Une fois sa famille et leur servante partis dans les chambres, le bourgmestre se retourna vers Mikaël.

« Je ne vous cache pas, Chevalier, que j'espérais un peu plus de renforts de votre ordre. Un seul homme ?

— Cela suffira, répliqua Mikaël. Alors, quels sont les faits ?

— Il y a eu... Différentes choses. Beaucoup de gens disent que...

— Les gens disent ? coupa à nouveau Mikaël. Des rumeurs ? Vous m'avez fait venir pour des rumeurs ? »

Le bourgmestre recula d'un pas devant le regard que lui jetait Mikaël.

« Et bien... Il y a aussi des faits. Des enfants ont disparu. On a retrouvé le cadavre d'un homme mutilé. Et bientôt, c'est la pleine lune...

— Pourquoi n'avoir rien fait avant ? Vous n'avez pas de gardes, dans cette ville ?

— Bien sûr que si ! Mais cette affaire... Ça les dépasse, vous comprenez ?

— Bon, vous avez d'autres informations ? Vos « gardes », ont-ils tout de même réussi à savoir quelque chose ?

— Chevalier, vous pourriez avoir un ton plus respectueux, s'indigna le bourgmestre.

— Vous avez raison. Je pourrais. Bien. Il est tard et je n'ai pas dormi la nuit dernière. Je verrais cela demain. Auriez vous l'obligeance de m'indiquer l'adresse d'une auberge où je pourrais passer la nuit ?

— Je crains que cela ne soit impossible. Mais nous avons une chambre d'hôte, si vous le désirez. »

Le bourgmestre essaya de rétablir une relation correcte avec son voyageur. Ce n'était pas qu'il aimait spécialement l'être grossier qu'était Mikaël, mais le fait était qu'il en avait besoin. Ou, plus exactement, que le village en avait besoin. Mais bon, le bourgmestre n'était rien sans le village, donc cela revenait au même.

Finalement, Mikaël s'installa dans la chambre et s'y endormit rapidement.

Le lendemain, il dormit un peu trop à son goût et ne se réveilla que vers le milieu de la matinée.

Après un déjeuner rapide, il sortit, et parvint, après quelques minutes, à trouver le poste des gardes. Il frappa à la porte, puis l'ouvrit sans attendre de réponse.

L'endroit était assez petit, et n'était pas des plus luxueux. Ce n'était, cela dit, pas son objectif. Il y avait une table au fond de la pièce, à laquelle était assise un homme brun qui portait une barbiche. Il y avait aussi un râtelier sur lequel étaient posées trois épées, une lance et une arbalète. En dehors de ça, la pièce était vide. Deux hommes se trouvaient debout en train de discuter, portant tous les deux un plastron usagé qui leur servait aussi bien d'uniforme que de protection sommaire.

Les trois hommes présents se retournèrent lorsque Mikaël se racla la gorge.

« Qui êtes-vous ? fut la réaction du premier.

— Mikaël Veyran. Vous aviez demandé des renforts pour votre histoire de disparition d'enfants... »

L'homme à la barbiche écouta avec attention et parut soulagé. Il se leva et se dirigea vers Mikaël et lui tendit sa main.

« Oh, Dieu soit loué. Je suis Grégoire Bohr, capitaine de la garde. Où sont vos hommes ? »

Mikaël eut un léger sourire.

« Je crois que vous n'avez pas compris. C'est moi, les renforts. »

Le capitaine resta silencieux un instant.

« C'est une blague ? demanda-t-il. Un seul homme ?

— Il n'est pas nécessaire de mobiliser une armée à chaque fois qu'il y a un enlèvement ou que la rumeur de choses un peu... extraordinaires se répand... »

Le capitaine soupira.

« Vous êtes sceptique, hein ? Je ne sais pas ce que vos supérieurs vous ont dit, mais j'ai perdu un homme dans cette affaire. Son corps a été retrouvé mutilé. Vous pensez que mes hommes sont des incapables, monsieur Veyran ?

— Je n'ai pas dit...

— J'ai, coupa le capitaine, personnellement vu l'un d'entre eux se relever après avoir reçu un carreau de mon arbalète en pleine tête. Vous croyez peut-être que j'ai rêvé ?

— Je crois, monsieur Bohr, que la plupart des hommes ne savent pas réagir face à ce genre de situation.

— Et vous, vous savez tout mieux que tout le monde ? »

Mikaël eut un léger sourire.

« Disons que je me débrouille, répondit-il. Dans ce domaine, en tout cas. Quand est-ce que c'est arrivé ?

— Il y a une semaine, nous allions inspecter une grotte qui, d'après certains villageois, était, disons... louche.

— Vous y êtes retourné, depuis ?

— Non, il se trouve que c'est assez isolé, et que nous vous attendions pour y aller en force... »

Mikaël soupira.

« Je vois. Vous pourriez m'y conduire ?

— Seul ?

— Je ne pense pas que nous courrions un péril. Pas dans la journée.

— Oh. Très bien. Quand partons nous ?

— C'est loin ?

— Deux ou trois heures, à cheval.

— Très bien. Si nous y partons maintenant, nous pourrons rentrer avant la tombée de la nuit.

— C'est que... j'avais des papiers à finir et...

— Ils attendront. »

Les deux hommes immobilisèrent leurs chevaux devant la grotte. L'entrée était assez large pour qu'un homme puisse s'y tenir debout.

Ils descendirent de cheval, puis se dirigèrent vers la caverne. Le capitaine parut hésiter.

« Heu... Hem...

— Oui ?

— Cette grotte... ne me rappelle pas de très bons souvenirs... »

Mikaël soupira.

« Vous avez la trouille » ?

L'homme hésita un moment, puis répondit.

« Oui. »

Mikaël haussa les épaules.

« Très bien. Restez dehors. Vous ne devriez pas craindre grand chose. Si vous êtes en danger, vous n'aurez qu'à crier et foncer à l'intérieur.

— Heu... Très bien. »

Avant que Mikaël n'entre dans la grotte, le capitaine alluma une torche et la lui remit.

« Elle vous sera sûrement utile.

— Merci. Je ne devrais pas être long. »

Il s'enfonça ensuite dans les ténèbres.

Au bout de quelques mètres, il ne vit plus la lumière du jour. Il plaça sa torche en avant et poursuivit son chemin. Il continua pendant une dizaine de minutes. Il lui semblait qu'il ne faisait que descendre. Il finit par déboucher sur une salle plus large.

La flamme de la torche se refléta sur un cadavre. Alors qu'il avançait lentement, il sentit quelque chose de liquide sur son visage. Il y avait aussi une odeur bizarre qu'il n'arrivait pas à identifier.

Il se passa la main sur la figure, puis vit qu'elle était maintenant tachée de sang. Il leva les yeux et crut voir un cadavre suspendu au plafond. Il sentit à nouveau cette odeur bizarre, sans pouvoir l'identifier.

Alors qu'il levait la torche pour éclairer le corps, il se rendit compte que c'était une odeur de soufre.


Il y eut une explosion. Dehors, le capitaine ne parut pas surpris. Il attendit deux minutes, puis se dirigea calmement vers la grotte, alluma l'autre torche, et y pénétra. Au bout de quelques minutes de marche rapide il aperçut la « grande salle », ou, du moins, ce qu'il en restait. Le plafond s'était en effet écroulé et il ne restait plus grand chose. Il ne pouvait plus avancer. Il jeta un coup d'oeil aux alentours, puis sortit de la grotte, et se dirigea vers Alsted.