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La sentinelle elfe, perchée dans un arbre, aperçut une ombre lui passer dessous.

« Qui va là ? » demanda-t-elle en sautant à terre.

La silhouette s'arrêta.

« Je ne suis pas un ennemi, répondit l'homme. Mon nom est Mikaël Veyran. »

L'elfe s'approcha un peu.

« On vous a dit mort. »

Il se retourna, souriant.

« Ce n'est pas tout à fait faux », répondit-il.

Il dévisagea l'elfe. C'était une femme, qui paraissait jeune — mais Mikaël savait que si tous les elfes paraissaient jeunes, peu l'étaient effectivement. Elle avait des cheveux blonds, courts. Elle portait des espèces de globes bizarres sur les yeux, tenus par une lanière en cuir. Mikaël fronça un sourcil.

Elle sourit, et remonta ses lunettes — si l'on pouvait appeler l'appareil ainsi, montrant deux yeux verts.

« Excusez moi, fit-elle. Je ne me suis pas présentée. Je m'appelle Kalia.

— Je croyais que les elfes avaient une bonne vue. C'est quoi ? » demanda Mikaël en montrant les lunettes.

« Les elfes, dans le cas général, peut-être, mais pas moi. Qu'est-ce que vous faites ici ?

— Je ne fais que passer.

— En pleine nuit ? »

Mikaël haussa les épaules.

« C'est vrai, reprit-elle. Vous êtes un vampire.

— Vous êtes très perspicace, répliqua Mikaël.

— Je ne voulais pas vous vexer... Je voulais juste dire que vous n'aviez pas le choix...

— J'ai le choix, répondit-il. Et si vous m'offriez un toit pour la nuit, j'en serais ravi. »

Kalia sourit.

« Vous, vous n'êtes pas gêné ! Je ne sais même pas si vous êtes pas un espion, ou un traître, ou je ne sais trop quoi dans le genre ! »

Mikaël haussa à nouveau les épaules.

« Bonne soirée, alors.

— Attendez, je n'ai pas dit non... J'ai encore une demi-heure de garde. Vous n'avez qu'à rester, et vous pourrez ensuite dormir chez moi. »

Mikaël sourit.

« D'accord. Mais pas question de me faire grimper aux arbres. »


Le prince de Danéver rentra dans sa chambre, vaste et luxueuse. Il se laissa tomber sur son lit à baldaquins.

« Journée fatigante ? » demanda une voix féminine.

Il se retourna et aperçut une silhouette dans l'ombre.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il, en se redressant.

Il sortit sa dague.

Anaïs sortit de l'ombre.

« Oh, c'est vous », dit-il, apparemment soulagé.

Anaïs sourit.

« Oui, c'est moi.

— Qu'est-ce que vous voulez ? demanda-t-il.

— J'ai entendu dire que vous comptiez attaquer massivement les Monts Bessed...

— Effectivement. Il est temps que le règne du Démon cesse.

— Ça va coûter des milliers de vies. Mais vous vous en foutez, hein ? »

Elle s'approcha de lui, l'air furieuse.

« Tous ces gens sont des volontaires. Ils sont prêts à se sacrifier pour la bonne cause.

— Quelle bonne cause ? »

Le prince secoua la tête.

« L'éradication du Mal, bien entendu. »

Anaïs sourit.

« Oh, oui, j'oubliais. Et je suppose que tout ce qui vous empêche de manipuler tous ces gens peut être considéré comme le Mal, je me trompe ?

— Écoutez, répondit le prince en souriant, nous avons déjà discuté de tout cela.

— On peut en rediscuter. Vous savez très bien ce que cette guerre coûtera. Et vous n'êtes pas sûr de la remporter. »

Le prince éclata de rire.

« Pas sûr de la remporter ? Au-delà des Monts Bessed, les forces de Laërith sont pitoyables ! Une fois que nous serons passés, le reste du pays est à nous !

— Il faudrait déjà que vous passiez les Monts Bessed.

— Les elfes ont opposé une vaillante résistance, d'accord. Les autres monstruosités du genre ont aussi bien dû nous tuer quelques hommes. Mais nous avons levé une armée qui nous permettra de les écraser. Les jours du Démon sont comptés. »

Anaïs approcha son visage de celui du Prince. Puis elle descendit un peu, et approcha sa bouche de son cou.

Le prince tenta de lui donner un coup de dague, mais Anaïs lui attrapa la main.

« Vous, lui murmura-t-elle à l'oreille, il se pourrait que ça soit vos minutes » qui soient comptées.

Le prince déglutit.

« Si vous me tuez, vous ne vous en tirerez pas.

— Peut-être pas. Mais vous ne serez plus là pour le savoir. »

La porte s'ouvrit brutalement. Trois gardes se tenaient sur le pas de la porte. Celui du milieu avait un uniforme différent, qui laissait présager d'un grade plus élevé.

« Si vous attaquez, murmura Anaïs, je reviens. Et je serai beaucoup moins gentille. »

Puis elle le lâcha. Elle salua les gardes, se dirigea vers la fenêtre, et disparut dans la nuit.

Le prince se toucha le cou.

« Vous allez bien ? » demanda le gradé.

Le prince acquiesça.

« Trouvez moi les meilleur tueurs de vampires, demanda-t-il. Excepté Mikaël Veyran, bien entendu. »


Le garde qui devait relayer Kalia arriva avec cinq minutes d'avance. Il était grand, mince, beau et blond, description qui correspondait à la grande majorité des elfes.

« Salut, fit Kalia. Fahris, voici Mikaël. Mikaël, voici Fahris. »

Fahris fit la moue.

« Qui est-ce ?

— C'est un vampire. Il doit juste passer.

— Non. C'est peut-être un espion. »

Mikaël haussa les épaules.

« De toute façon, vous avez perdu.

— Quoi ?

— Ils vont attaquer dans quelques jours. »

L'elfe éclata de rire.

« Ils n'ont aucune chance !

— Vous n'avez pas vu leur armée. »

L'elfe approcha son visage de celui de Mikaël.

« Vos hommes pathétiques n'ont aucune chance contre nous. »

Mikaël sourit.

« Si vous le dites. Je disais ça comme ça. Je me moque totalement du vainqueur, si vous voulez tout savoir. »

Kalia soupira.

« Bon, fit-elle. On y va. »


Anaïs entra dans une auberge. Elle paya d'avance l'aubergiste, et alla directement dans sa chambre. Ce n'était pas le grand luxe, mais il y avait un lit presque convenable.

Elle s'allongea. Elle n'était pas très bien. Elle n'avait pas vraiment réussi à convaincre le prince, et elle doutait qu'il arrête l'attaque à cause de cela. Il augmenterait juste son nombre de gardes du corps.

Et en plus, elle avait une de ces soifs... Soif de sang. Elle avait beau tout faire pour ne pas y penser, elle ne parvenait pas à en oublier le goût.

Puis elle se mit à penser à Mikaël. Elle était inquiète. Elle n'était pas certaine que sa rencontre avec Laërith se passe de façon amicale. Et elle n'était pas non plus certaine qu'il ait une chance contre elle.

Finalement, malgré tout ça, elle finit par s'endormir.


Mikaël soupira en voyant la « maison » de Kalia. C'était une sorte de cabane en bois, qui avait un style relativement particulier. Notamment, elle était perchée sur un arbre à dix mètres du sol.

Kalia sourit.

« Vous allez devoir grimper. Vous voulez un coup de main ? »

Mikaël secoua la tête.

« De mon vivant, je n'aimais pas trop avoir à faire ce genre de trucs... Maintenant, ça va. »

Il sauta, mais parut s'envoler. Il atteignit une branche, à quelques centimètres de la cabane, et se hissa dessus. Kalia le rejoignit quelques temps après.

« Joli saut », remarqua-t-elle.

Mikaël ne répondit pas. Kalia entra chez elle. La porte n'était pas fermée, et ne paraissait pas être conçue pour l'être. Mikaël jeta un coup d'oeil à la cabane. Il avait déjà vu quelques habitations d'elfes, avant. Généralement, les lieux étaient surtout faits pour dormir, et éventuellement y entreposer quelques objets. La cabane de Kalia n'était pas bien grande, et comportait bien un lit dans un coin, mais le reste ne collait pas vraiment. Il y avait des tas d'outils et d'objets métalliques, avec quelques livres et quelques plans. Une imposante arbalète traînait sur la table.

« C'est quoi ? » demanda-t-il.

Kalia haussa les épaules.

« Disons que j'aime bricoler, répondit-elle en retirant ses lunettes.

— C'est une jolie arbalète que voilà.

— Elle n'est pas finie. »

Elle l'attrapa, et fit jouer d'un mécanisme compliqué.

« Ce n'est pas un peu lourd pour vous ? demanda-t-il.

— Un peu. Mais il y a quelques améliorations appréciables.

— Du genre ? »

Kalia pointa l'arbalète, qui n'était pas chargée, vers Mikaël.

« Je ne sais pas viser. Enfin, j'ai du mal. Alors, j'ai une parade. »

Elle appuya sur un bouton. Un point rouge apparut sur le bras de Mikaël.

« C'est quoi ? demanda-t-il.

— Un verre enchanté. Bien réglé, ça permet de tirer exactement au point indiqué. »

Mikaël sourit.

« En somme, vous bricolez des trucs pour compenser vos défauts, hein ? »

Kalia hocha la tête.

« Chez nous, il est mal vu de ne pas savoir viser correctement, de ne pas avoir de bonne vue, et tout ça.

— Et avec vos engins, ils vous respectent plus ? »

Kalia soupira.

« Pas vraiment. »

Mikaël posa son épée.

« Je suis désolé.

— Pas de quoi. Si quelqu'un doit l'être, ce n'est pas vous. »

Il hocha la tête.

« Pourquoi êtes vous... Je veux dire, l'ensemble des elfes... Pourquoi vous soutenez Laërith ?

— Elle nous porte un peu plus d'estime que les autres.

— Et vous n'êtes pas gênés par le fait que ce soit un... Démon ? »

Kalia haussa les épaules.

« Non. On devrait ?

— Je ne sais pas. Mais même les vampires en ont peur à cause de ça. »

Elle sourit.

« On est habitué aux fées et aux diablotins, dans le coin. Alors, un Démon, ce n'est pas très différent, finalement. »

Mikaël soupira.

« Apparemment, si.

— Vous allez à Nonry pour la tuer, hein ?

— Non. Pas si je peux l'éviter.

— Je pourrais peut-être vous accompagner... »

Mikaël la regarda, surpris.

« Pourquoi ?

— J'aimerais bien... partir. C'est peut-être le moment, non ? »

Mikaël secoua la tête.

« Vous allez me ralentir.

— Qu'est-ce que vous en savez ? J'ai un cheval, et... »

Il soupira.

« Ça pourrait être dangereux.

— Et pas ici, peut-être ? C'est vous qui dites qu'on va être attaqué...

— Non. Je ne suis pas un professeur pour tous ceux qui veulent partir à l'aventure.

— Je ne vous demande pas ça ! Je veux juste que vous me laissiez vous accompagner...

— Et ça vous avancera à quoi ?

— Vous savez ce que ça fait, d'être méprisée par tous ? »

Mikaël eut un léger sourire.

« Oh, oui. Mais ça changera quoi, pour vous ? À Nonry, vous ne serez plus méprisée parce que vous ne savez pas viser, mais parce que vous êtes une elfe. Qu'est-ce que vous gagnerez ?

— Je ne vois pas pourquoi je resterais à Nonry... »

Mikaël soupira.

« Je peux vous emmener à Nonry. Mais pas plus loin.

— Pourquoi ?

— Ce sera ma dernière... mission. »

Elle parut intriguée.

« Je ne comprends pas... »

Il sourit.

« Dans le cas improbable où je serais encore vivant — enfin, mort-vivant — après ma rencontre avec Laërith, j'arrête. »

Elle hocha la tête.

« D'accord. Vous m'emmenez à Nonry. Et je continuerai seule.

— Vous êtes sûre de bien vouloir ça ?

— Certaine. »

Il soupira.

« Très bien. Vous partirez avec moi demain. Pour le moment, j'aimerais dormir un peu... Il y aurait moyen de faire un peu de place par terre ? »

Elle sourit.

« Vous ne voulez pas du lit ?

— Et vous ?

— Si on part demain, je dois finir quelques réglages sur l'arbalète cette nuit. Dormez bien. »


Lorsque Mikaël se réveilla, il trouva Kalia endormie sur sa table de travail. Il hésita un moment à partir sans elle, puis finit par la réveiller.

« Kalia ? fit-il en lui touchant l'épaule. Si vous voulez toujours partir, c'est le moment.

— D'accord », répondit-elle.

Elle se leva et empoigna quelques affaires : ses lunettes, son arbalète, un tournevis, quelques vêtements, et surtout quelques outils.

Puis ils se dirigèrent vers les chevaux et partirent au galop, laissant derrière eux les Monts Bessed.


Anaïs dormait encore lorsque les trois chasseurs de vampire entrèrent dans sa chambre. Ils n'avaient pas eu à crocheter la serrure : l'aubergiste leur avait donné un double de la clé. Ils n'avaient pas eu à chercher où s'était réfugiée Anaïs : le Prince avait pris toutes les dispositions pour retrouver la jeune femme au plus tôt.

Ils firent quelques pas discrets vers la vampire. Elle dormait sur le dos. L'un d'entre eux avait un pieu en bois et une croix. Les deux autres étaient armés d'épées.

Tout alla très vite. Un homme plaça une lame sous le cou de leur proie. Le second retira d'un geste vif la couverture, et le troisième planta le pieu dans le coeur de la vampire. Le sang d'Anaïs inonda les environs.


Mikaël et Kalia s'arrêtèrent à une auberge une fois la nuit tombée. Ils s'en approchaient à pied lorsque Mikaël s'arrêta brusquement, et dégaina son épée.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda Kalia.

Mikaël ne répondit pas, et avança.

Kalia aperçut alors, dans l'ombre, deux silhouettes. Deux personnes qui paraissaient s'embrasser...

Mikaël était proche d'eux. Kalia trottina pour le rattraper. Elle distingua alors la silhouette de dos : c'était une femme aux cheveux rouges. Puis Kalia réalisa qu'elle était en train de boire le sang de l'autre personne.

« Lâche-le », ordonna Mikaël.

Nadia se retourna lentement. Du sang coulait de sa bouche. Elle sourit.

« Mikaël ? Je ne m'attendais pas à te voir ici...

— Vraiment ?

— Tu veux partager le sang ?

— C'était ta dernière victime. »

Il se mit en garde.

Nadia se passa un doigt sur la lèvre, essuyant le sang, et le lécha.

« Je me pose une question, à ton sujet. Tu préférerais me tuer, moi, ou... » Elle tourna la tête vers sa victime, inconsciente. « ... le sauver, lui ? »

Mikaël soupira. Parut hésiter. Et se dirigea vers l'homme à terre, tentant d'arrêter hémorragie. Nadia sourit. C'est alors qu'apparut un point rouge sur son front.

« On peut peut-être faire les deux », dit Kalia, pointant son arbalète vers la vampire.

Puis le point rouge se retrouva sur le mur. Nadia n'était plus là. Elle se tenait maintenant derrière l'elfe, l'immobilisant. Elle lui lécha le cou. Kalia déglutit.

« Merde », fit Mikaël, toujours à genoux.

Il avait attrapé son arbalète et tentait de viser mais, dans l'obscurité, il avait plus de chances de toucher Kalia.

« C'est entre toi et moi ! cria-t-il. Lâche-la ! »

Nadia fit quelques pas à droite, tenant toujours Kalia.

« Assieds-toi, dit-elle doucement. Regarde le spectacle. Va soigner le type si tu en as envie. Mais si tu interviens, tu es morte. Compris ? »

Kalia hocha la tête et obéit. Elle se dirigea vers l'homme à terre et s'accroupit près de lui.

Mikaël s'approcha de Nadia. Il posa son arbalète au sol et reprit son épée.

Nadia fit apparaître la sienne. C'était une jolie épée. Elle était de taille respectable, était parfaitement lisse et affilée, et rayonnait d'une lueur bleue.

« Tu tiens vraiment à ce combat, hein ? demanda-t-elle. Mais tu n'as aucune chance. »

Mikaël se mit en garde, sans un mot.

Ils se tournèrent autour quelques instants.

« Alors, quoi ? demanda Nadia. Tu veux m'attaquer, oui ou non ? »

Ils continuèrent quelques instants. Puis Mikaël attaqua. Le combat commença. Les coups se succédaient à une vitesse incroyable, mais ils étaient tous parés ou esquivés. Seulement, Nadia ne paraissait pas attaquer véritablement.

Cela dura dix minutes. Mikaël commençait à fatiguer. Nadia lui asséna un coup qui lui entailla le bras.

« On arrête au premier sang ? demanda Nadia.

— Non », répondit Mikaël en tentant une attaque, que Nadia esquiva sans difficulté. Elle paraissait intouchable.

Il y eut encore quelques minutes de combat. Puis Nadia lança une attaque puissante. Mikaël para. Sa lame explosa sous le choc.

Nadia sourit. Elle s'arrêta.

« Ce coup-ci, tu as perdu. »

Mikaël laissa tomber le morceau qu'il lui restait de son épée.

« Pas encore.

— Tu ne t'avoues jamais vaincu, hein ?

— Jamais. »

Nadia sourit. Elle planta son épée dans le sol.

« On terminera plus tard. Je ne voudrais pas que tu sois en retard pour ton rendez-vous avec Laërith. »

Mikaël fronça le sourcil.

« Quoi ?

— Tu connais la prophétie, non ?

— Je ne vois pas le rapport.

— Le Démon qui trahira ses alliés et mettra le monde dans le chaos. Ça, c'est la partie écrite et racontée par tout le monde.

— Et il y en a une autre ?

— Le chevalier trompé qui se venge et tue le Démon. Magnifique histoire, non ? »

Mikaël ne répondit pas.

« Au fait, reprit Nadia. Garde l'épée. »

Et elle disparut.