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Laërith se trouvait dans la salle à manger, en train de prendre un déjeuner. Deux servants s'affairaient autour d'elle, mais elle n'y prêtaient aucune attention. Elle était vêtue d'une robe noire joliment taillée. Ses ailes immatérielles retombaient mollement à côté d'elle, passant à travers les meubles ou, occasionnellement, les personnes. La plupart essayaient de s'en tenir à l'écart, se voir traverser par une zone de... vide n'étant pas toujours agréable. Elle s'amusait de la situation.

Un servant lui fit savoir qu'Armand cherchait à la voir. Elle lui fit un vague signe de la main pour lui dire de le faire entrer.

Il arriva seul, portant un plastron impeccable de la garde royale.

« Salut, se contenta-t-elle de dire.

— Bonjour, Majesté. »

Elle lui jeta un regard furieux. Il eut un léger sourire.

« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle.

— Et bien, le nombre habituel de complots contre toi.

— Quand est-ce qu'ils comprendront qu'ils n'ont aucune chance ?

— Aucune idée, Majesté.

— Et c'est tout ?

— Non... Il y a autre chose...

— Quoi ?

— Ce n'est qu'une rumeur... Mais j'ai entendu dire que Mikaël aurait été aperçu bien vivant... »

Elle leva un sourcil.

« Bien entendu, reprit-il, il est fort possible que ça ne soit qu'une invention... Les gens ont trop d'imagination... Peut-être même est-ce une désinformation de la part de Daël... »

Laërith haussa les épaules.

« On n'avait pas retrouvé son cadavre.

— Mais c'est sûrement Anaïs qui l'a emporté... Pour l'enterrer, sans doute.

— Anaïs est une *vampire », Armand. Alors, je doute que Mikaël ait juste été... enterré.

— Non ! Ce n'est pas possible ! Il aurait préféré... mourir que de devenir l'un des leurs...*

Elle soupira.

« Tu avais beaucoup d'admiration pour lui, hein ? »

Il hocha la tête.

« Moi aussi, reprit-elle. Je l'aimais bien.

— Alors, pourquoi tu l'as tué ? cracha-t-il.

— Tu le sais bien ! cria-t-elle. Je n'ai pas pu me contrôler... Je... Je regrette... »

Elle se mit à pleurer. Armand soupira.

« Je sais, fit-il. Je sais. »

Il s'approcha d'elle, et la prit dans ses bras.

« C'est juste, reprit-il, que des fois... J'ai du mal à... à te comprendre.

— Moi non plus, je me comprends pas... »

Il y eut un moment de silence. Puis, subitement, Armand la plaqua contre le sol. Un carreau d'arbalète siffla près de leurs oreilles et alla se planter dans le bois de la porte.

Il y eut un bruit de course alors que le tireur, constatant son échec, s'enfuyait.

« Reste là », dit Armand en se relevant.

Il courut à la poursuite du tireur. Le projectile venait apparemment d'une fenêtre. Armand y passa la tête. Il aperçut une corde qui montait sur le toit. Il leva les yeux et aperçut le tireur, qui le visait. Il parvint à se ranger de justesse pour éviter le carreau, puis ressortit rapidement et sauta vers la corde, commençant à monter. Mais alors qu'il était à mi-chemin, la corde lâcha.

Le temps s'arrêta un instant. Puis Armand tomba. Par réflexe, et par chance, il parvint à s'accrocher au rebord d'une fenêtre. Il resta pendu quelques secondes, puis remonta. Il brisa la vitre et entra dans la pièce, qui était vide.

Il fonça vers la porte, puis vers les escaliers qui menaient sur le toit. Arrivé là haut, hors d'haleine, il aperçut le fugitif, qui sautait de toit en toit, espérant gagner la sortie.

Armand se précipita vers lui. La course dura un certain temps. Armand parvenait à rattraper un peu son adversaire, mais celui-ci était rapide et agile. En se donnant au maximum, manquant à plusieurs reprises de tomber, Armand parvint presque à le rejoindre.

Il était sur le point de l'attraper lorsque son pied glissa. Il perdit l'équilibre et tomba le long du toit.

Il parvint de justesse à se rattraper au bord. Ses mains glissaient et lui faisaient mal. Il regarda en bas. Il était à plus de trente mètres du sol.

Il tenta de remonter, mais quelque chose lui écrasa la main gauche. Il leva les yeux et aperçut le tireur. Il avait de longs cheveux bruns, était grand et fin. Il souriait en continuant à lui écraser la main, tout en tenant d'un air négligent son arbalète sur l'épaule.

Armand gémit. Sa main gauche le faisait souffrir, et il essayait de trouver assez d'adhérence avec la droite.

« Tu as servi le Démon, fit le tireur. Tu vas donc aller en Enfer, toi aussi. »

Armand lâcha sa main gauche. Son adversaire écrasa la droite.

Puis il y eut un bruit. Le tireur regarda son abdomen, surpris. Vit la pointe ensanglantée qui en sortit. Puis bascula vers l'avant.

Laërith s'approcha du bord, et l'aida à remonter.

« Ça va ? demanda-t-elle.

— Ouais. Merci. Sans toi, je serais mort à l'heure qu'il est. »

Elle eut un sourire.

« Le commandant de la garde royale qui doit se faire secourir par la reine, fit-elle, ce n'est pas très sérieux. »

Il soupira.

« Désolé.

— Je rigolais. Mais fais moi plaisir, d'accord ? Ne t'amuse plus à faire l'acrobate sur les toits. Je n'ai pas envie de te voir mourir. »

Il hocha la tête. Elle s'assit à côté de lui.

« Mais c'est qu'on a une super vue, d'ici. »


Lucie leva la tête en entendant des bruits de pas approcher. Laërith entra dans sa cellule.

« Salut, fit cette dernière.

— Salut, répondit Lucie. Ça devient une habitude, tes visites. »

Laërith haussa les épaules.

« Je suis désolée de t'avoir vexée, la dernière fois, continua Lucie.

— Ce n'est pas grave. Tu n'as peut-être pas tort sur tous les points. »

Lucie sourit.

« Tu viens pour quoi ? demanda-t-elle.

— Disons que j'envisageais... Enfin, je veux dire, tu n'as rien fait... Je devrais peut-être te libérer. Même si tu n'es pas toujours d'accord avec moi.

— Quelle grande sagesse, répondit Lucie, amusée. Cela dit, l'endroit n'est pas si désagréable. »

Laërith sourit.

« Tu ne vas quand même pas me dire que tu refuses de sortir ?

— Je n'irais pas jusque là. »

Laërith hocha la tête. Elle posa sa main sur la serrure de la grille. Il y eut un petit cliquetis alors qu'elle s'ouvrait.

« Comment tu fais ça ? demanda Lucie.

— Facile. Il suffit de demander gentiment à la porte de s'ouvrir. »

Lucie parut sceptique.

« Je suis à peu près certaine que si *je » lui demandais de s'ouvrir, ça ne marcherait pas.

— C'est tout un art. Il faut la caresser de façon assez sensuelle pour qu'elle soit sous le charme, d'abord.*

Lucie sortit de la cellule.

« Et maintenant ? demanda-t-elle. Je suis libre ? »

Laërith hocha la tête.

« Oui. Tu peux t'en aller. Tu peux aussi rester, si tu en as envie. » Elle parut hésiter un moment. « J'aurais peut-être besoin d'une conseillère. »

Lucie sourit.

« Pourquoi pas ? Ça éviterait peut-être que tu fasses d'autres bêtises. »


Laërith et Lucie étaient toutes les deux dans une petite salle, remplie de papiers. Lucie avait passé les dernières heures à essayer de se mettre au courant des événements qui s'étaient déroulés pendant son incarcération.

« Le peuple ne t'aime pas, hein ? » demanda Lucie.

Laërith hocha la tête.

« Pas vraiment, non. Il y en a encore un qui a essayé de me tuer, aujourd'hui. »

Lucie soupira.

« Tu sais, je ne crois vraiment pas que tu puisses être appréciée du peuple. Tu n'arriveras pas à les tenir bien longtemps. »

Laërith haussa les épaules.

« Ce n'est pas bien grave. Ils ne peuvent rien contre moi. Ce n'est pas avec leurs pathétiques tentatives d'assassinat qu'ils parviendront à m'éliminer.

— Et tu crois vraiment que c'est bien, de les tenir uniquement par la peur ?

— Mais j'ai fait des trucs biens, non ? Je leur ai enlevé des impôts, j'ai supprimé de vieilles lois stupides, j'ai essayé un peu de changer les choses...

— Mais ce n'est pas pour ça que les gens t'obéissent. C'est parce qu'ils ont peur de toi.

— Non ! Tu vas encore me dire de laisser tomber ? »

Elle paraissait furieuse. Lucie soupira.

« Tu fais ce que tu veux. J'essaie juste de t'aider.

— M'aider ? cracha-t-elle. En me disant qu'il faut que j'abandonne ? Tout ce que tu veux, c'est récupérer la couronne, parce que tu es celle qui en hériterait si j'abandonnais ! »

Lucie secoua la tête.

« Je crois juste qu'il serait préférable que tu abandonnes la couronne. Pour le peuple, et pour toi.

— Pour moi ? Ben voyons...

— Tu as vu l'état dans lequel ça te met ? Sans compter que quelqu'un finira bien par réussir à te tuer.

— Aucune chance ! Je suis immortelle ! »

Lucie soupira.

« Si tu le dis... Bon, je fais une pause. Si ça continue comme ça, tu vas m'étriper. »

Laërith secoua la tête. Elle paraissait calmée, et même effrayée par sa colère passée.

« Non ! Je ne te ferais jamais de mal... »

Lucie sourit.

« Je te crois. Je peux prendre une pause quand même ? »


Lucie sortie, Laërith s'assit et se prit la tête entre les mains. Elle s'en voulait de s'être énervée comme ça. Elle ne comprenait pas ses crises de violence.

Il y eut soudain un bruit derrière elle.

« Hem, hem, fit une voix. Je pouvais entrer ? »

Laërith se retourna. Et aperçut Nadia/Destinée.

« Qu'est-ce que vous voulez ? demanda-t-elle. Toujours me tuer ? »

La fille aux cheveux rouges sourit.

« Je ne ferais pas la bêtise de présumer de mes capacités. Même si je pense que je pourrais encore vous battre aux échecs.

— Vous voulez quoi, alors ? demanda Laërith.

— Je viens de la part des vampires de la Transie Vanille.

— Et ?

— Vous êtes sans doute au courant qu'il existait un vieil accord entre Erekh et nous, disant en bref que nous restions chacun de notre côté sans attaquer l'autre. Nous voudrions savoir si vous comptiez le respecter.

— Je ne sais pas. Je dois avouer que je n'aime pas trop vos façons. Exploiter les gens, les massacrer pour pouvoir se nourrir...

— Et vous, vous faites différemment ? »

Laërith lui jeta un regard furieux.

« Je plaisantais, ajouta Nadia en souriant. Vous n'avez pas tout à fait tort. Nous devrions peut-être changer les traditions. Mais je crains que la plupart de nos... hum, dirigeants, soient un peu... conservateurs. Mais là n'est pas la question. »

Laërith soupira.

« J'imagine que vous avez des forces armées relativement importantes ? demanda-t-elle.

— Assez.

— Nous n'aurions pas intérêt à vous attaquer, alors ?

— Pas franchement.

— C'est bon. Je respecterai l'accord.

— Je rapporterai votre décision. Reste à voir s'ils décideront de se fier à la parole d'un Démon.

— Je ne vois pas pourquoi je devrais plus faire confiance à des vampires. »

Nadia sourit.

« Oh, les vampires sont dignes de confiance. L'honneur est très important. »

Laërith hocha la tête.

« Autre chose ? demanda-t-elle.

— Non. À part que je doute que tout ça change quoi que ce soit.

— Comment ça ?

— J'étais à Danéver, hier. Je suppose que je ne devrais pas vous le dire, mais ils ont décidé de vous attaquer.

— Ce n'est pas nouveau. Cela dit, ils sont bloqués aux monts Bessed.

— Je voulais dire qu'ils allaient attaquer massivement. Avec ou sans notre aide, je crois qu'ils passeront.

— Même s'ils passent, ils n'iront pas bien loin ensuite.

— Vraiment ? Sans vouloir vous vexer, je crois que la plupart des gens ne vous aiment pas vraiment. Ils tourneront leur veste à la première occasion. »

Laërith resta silencieuse un moment.

« Vous pouvez disposer », fit-elle.

Nadia s'approcha de la porte pour partir. Mais elle s'arrêta, et parut hésiter.

« Ce sont de jolies ailes, que vous avez. »

Laërith sourit.

« Ouais. Et alors ? »

Nadia se gratta la tête.

« Il me semblait que vous n'aimiez pas avoir à porter des ailes. La première fois qu'on s'est vues, vous n'en aviez pas. »

Laërith haussa les épaules.

« J'ai changé d'avis. »

Nadia hocha la tête.

« Je vois. On dirait qu'il y a beaucoup de sujets sur lesquels vous avez changé d'avis.

— Et alors ? » cracha-t-elle.

Nadia se retourna.

« Vous avez le corps de Laërith, fit-elle. Mais je ne crois pas que vous soyez Laërith. »

Laërith parut furieuse.

« Qu'est ce que vous racontez ? Allez-vous en ! »

Nadia hocha la tête.

« Comme vous voulez », fit-elle.

Et elle disparut.

Laërith resta immobile quelques instants. Puis elle se rassit. Et elle se mit à pleurer.


Lucie finit par revenir dans la salle. Elle aperçut Laërith.

« Ça ne va pas ? demanda-t-elle.

— Je ne sais pas... » répondit cette dernière. Elle tenta de sourire.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

— Je me sens... bizarre... Pas très moi-même. Je ne sais pas comment dire ça... Mais j'ai l'impression de ne même pas arriver à me mettre d'accord avec moi... »

Lucie leva un sourcil.

« Je dois avouer que je ne comprends pas trop ce que tu veux dire. »

Laërith haussa les épaules.

« Je veux dire... Des fois, j'ai envie de... je ne sais pas, des trucs contradictoires... Je n'arrive pas à me maîtriser... » Elle eut un léger sourire. « Je suis complètement cinglée, hein ?

— Je ne sais pas trop, répondit Lucie. Je dois t'avouer que je ne voyais pas les Démons en général comme des exemples de personnes sages et équilibrés... »

Il y eut un moment de silence.

« Tu sais ce qu'il te faudrait ? reprit Lucie. Te détendre un peu.

— Mais j'ai des tonnes de choses à faire...

— Ça attendra. De toutes façons, personne ne te dira rien. Tu es la reine ».

Laërith sourit.

« Ouais », répondit-elle simplement.

Et elles sortirent du château.


Laërith et Lucie rentrèrent un certain temps — ou plutôt un temps certain — après la tombée de la nuit. Elles aperçurent Armand dans le hall, en train de discuter avec Loïc.

« Ah, vous voilà, fit-il. Nous commencions à nous inquiéter. »

Laërith haussa les épaules.

« Qu'est-ce que tu voudrais qu'il ait pu m'arriver ? »

Armand ne répondit pas. Le fait était qu'il y avait des tas de choses qui auraient pu lui arriver, étant donné qu'une bonne partie du pays aurait préféré la savoir morte. Mais d'un autre côté, Armand commençait à sérieusement douter qu'un humain ait une chance de blesser sérieusement Laërith. Aucune blessure n'avait paru lui faire le moindre mal ; elle se retirait flèches et couteaux du corps comme s'il s'agissait d'échardes insignifiantes.

« Puisque tu vas bien, laisse-moi te présenter Loïc. C'est une récente recrue. Grâce à lui, nous avons pu arrêter un homme.

— C'est pour moi un grand honneur de vous rencontrer », dit humblement Loïc.

Il s'approcha un peu d'elle. Elle fit un sourire.

Puis il y eut un geste flou. Loïc fit sortir un couteau de sa manche. Il se planta dans le coeur de Laërith. Celle-ci baissa les yeux. Puis elle remonta la tête vers Loïc. Celui-ci fut propulsé à plusieurs mètres, heurta le mur, et s'écrasa contre le sol.

Puis Laërith retira le couteau, et le laissa tomber au sol.

« Encore une robe gâchée, soupira-t-elle. Et encore un homme à tuer.

— Tu ne devrais pas le tuer, fit Lucie.

— Pourquoi ? hurla Laërith. Lui » a bien essayé de me tuer !

Elle s'approcha de Loïc, qui ne bougeait pas.

« C'est vrai, répondit Lucie. Mais lui n'a pas à se soucier de ce que pensent les gens de lui.

— Je ne vois pas pourquoi j'aurais à me soucier de ce que les gens pensent de moi ! Ils feront ce que je désire, un point c'est tout ! »

Elle attrapa Loïc et le plaqua contre le mur. Il pouvait à peine respirer.

« Pourquoi ? hurla-t-elle. Pourquoi tu voulais me tuer ?

— Parce que... vous avez tué... mon frère... »

Laërith le lâcha. Il retomba. Elle eut un regard vide.

« Je suis... désolée. »

Elle soupira, puis reprit.

« Et lui ? Je suppose qu'il avait aussi essayé de me tuer ? Pourquoi ?

— Il ne voulait plus... vivre dans la peur.

— Je vois. Va t'en. »

Loïc la dévisagea, l'air surpris.

« Va t'en ! répéta-t-elle, plus fort. Avant que je ne change d'avis ! »

Loïc parvint à se relever. Il sortit de la salle, aussi vite qu'il le pouvait.

« Je suis désolé, fit Armand. Je lui ai trop fait confiance et...

— C'est bon, coupa Laërith. Je n'ai rien.

— C'est bien de l'avoir laissé partir », commenta Lucie.

Laërith haussa les épaules.

« Je suis fatiguée de tous ces morts. Je suis fatiguée tout court, en fait. »

Armand eut un léger sourire.

« Peut-être que tu devrais aller te coucher, alors ? »

Laërith sourit à son tour.

« J'ai peur du noir.

— Tu veux que je t'accompagne ? » demanda Armand.

Le sourire de Laërith s'agrandit.

« Pourquoi pas ? »

Ils sortirent de la salle, se tenant la main, laissant Lucie seule, un sourire inquiet sur le visage.